Les confidences d’Anne Hidalgo

 Onze heures sont à peine passés, ce mardi 14 décembre. Dans l’hémicycle de l’Hôtel de Ville de Paris, les conseillers s’écharpent sur le budget. Pour les uns, il assure l’avenir. Pour les autres, il est « insincère », comprendre trafiqué, maquillé.

La maire, Anne Hidalgo, a ouvert la discussion une heure plus tôt. Elle a aligné les chiffres - investissements, dette, etc… - en essayant de ne pas faire attention aux interpellations, réflexions, moqueries parfois, de ces opposants. A la fin, les élus de sa majorité ont applaudi. Plus tard, ils voteront. Ainsi va la vie municipale.

Anne Hidalgo s’est éclipsée, laissant les commandes du navire à son premier-adjoint, Emmanuel Grégoire. Elle est assise sur l’un des fauteuils qui meublent l’espace de son immense bureau, à l’Hôtel de ville. Elle évoque certains des épisodes de l’histoire du pays, écrits entre ces murs. Elle est fière d’être la maire de Paris - tout à l’heure, un conseiller d’opposition, maire du XVIème, Francis Szpiner, conservateur assumé de la culture machiste, s’obstinait à l’appeler « madame le maire ». Elle donne même l’impression d’être heureuse d’occuper la fonction. En la voyant, cheveux bruns, yeux noirs, visage affûté, presque émacié, une ample robe confortable sur laquelle elle a posé un blouson noir, on se demande pourquoi elle a été se fourrer dans le guêpier de la présidentielle.

La réponse crispe les yeux et fait crisser les mots:

- Mais vous avez vu dans quel état Macron a mis le pays? Il a monté les gens les uns contre les autres, la colère est immense, plus personne n’a confiance.

- Vous ne l’aimez pas Macron…

- Ce n’est pas lui qui est en cause, mais sa politique, et sa manière de faire de la politique.

On ne départage jamais, dans l’observation d’un responsable public, la conviction de la part théâtrale qu’il met dans son propos. Ce matin, la maire de Paris est réactive, presqu’impulsive. Ça part au quart de tour, et ça part fort.

Du coup, il faut accentuer le sourire pour poursuivre la discussion:

- Avec 3% dans les sondages d’intention de vote, ce n’est pas vous qui le remplacerez à l’Elysée.

- Les sondages? C’est du pipeau, de la manipulation. Prenez le sondage Elabe qui me donne ces 3%. J’ai regardé la répartition des voix sur le territoire: 0% dans le Sud-Ouest, 0% en Occitanie. C’est pipeauté. Il ne faut pas croire ces sondages.

D’où sortent ces chiffres? 0% ici, 0% là… Les sondeurs confient-ils aux responsables politiques des informations qu’ils ne donnent pas au public? Possible. Puisque l’échange est inégal, changeons d’angle:

- Il y a une semaine, vous avez lancé un appel pour une primaire à gauche. S’unir pour éviter la division, expliquez-vous, et donc la défaite. Tout le monde vous a répondu non, Mélenchon, Jadot, etc…C’est cuit?

Le mot l’électrise. Cuit? Cuit? Mais non, pas cuit du tout:

- Vous êtes un observateur, vous regardez le match depuis la tribune. Moi, je suis sur le terrain, je n’ai pas les mêmes sensations que vous, et  du tout la même perception des choses.

- D’accord. Vous sentez quoi que je ne sens pas?

- Beaucoup de choses bougent. Des gens parlent, des appels se préparent. Mon appel à une primaire (mercredi 8 décembre, sur TF1) a changé le paysage. Vous verrez.

Le futur (« vous verrez ») est adapté. Pour l’instant, on n’en voit rien. 

- Vous avez raison. Ce que j’évoque est encore souterrain. Pas pour longtemps.

Toujours l’inégalité entre l’acteur et l’observateur. Changeons encore:

- Depuis que vous avez lancé cet appel à une primaire, il y a une semaine, vous vous parlez avec Yannick Jadot (candidat des Écologistes à l’élection présidentielle, le seul candidat de poids éventuellement susceptible de participer à cette primaire) ? 

Pour la première fois, elle semble hésiter. Même, elle tourne autour du pot avec une phrase dilatoire du genre: « tout le monde se parle ». Il faut insister un peu pour avoir une réponse:

- Dans des situations un peu tendues, il faut faire de la diplomatie, être attentif à ne pas blesser, ne pas froisser. Des gens se rencontrent, des intermédiaires…

Traduction: depuis l’annonce d’Anne Hidalgo, une semaine déjà, elle et Jadot ne se sont pas parlés. S’ils le faisaient, peut-être que cela se terminerait mal, des éclats de voix, pourquoi pas des insultes, à tout les coups du ressentiment, de l’amertume.

Autre piste: Anne Hidalgo pourrait-elle se retirer? Après tout, Yannick Jadot est mieux placé qu’elle dans les sondages d’intentions de vote. Si la volonté est de donner des chances supplémentaires à la gauche, le retrait serait une preuve de bonne foi. Il serait salué comme tel.

Mauvaise pioche:

- Me retirer derrière Yannick Jadot? Pourquoi? J’ai l’expérience de l’action politique. Je sais ce que c’est une grande ville saisie par les attentats, une métropole confrontée à l’épidémie. J’ai vécu ces crises.

Elle s’arrête, une courte seconde, fixe son regard noir dans mes yeux, enchaîne:

- Une femme qui se retire, et devant un homme bien sûr , c’est dans l’ordre des choses, c’est ça? Ce serait enfantin, puéril, naïf, d’imaginer que les choses vont se passer comme cela.

Voilà Jadot prévenu. Lui joue la montre. Chaque jour qui passe rend difficile l’organisation d’une primaire. Il le sait. Scotchée au fond de la paillasse sondagière, même pipautée, la maire de Paris, pense-t-il, n’aura d’autre choix que celui de le rallier. Celui qui maîtrise le temps maîtrise la situation, a dit un jour un stratège dont personne n’a pas retenu le nom. Anne Hidalgo s’en moque:

- Si la primaire n’a pas lieu, je serai présente au premier tour.

Une autre raison pourrait l’amener à renoncer, financière celle là. Une campagne présidentielle, ce sont plusieurs millions d’euros de dépenses. Si le candidat - ou la candidate - ne dépasse les 5% des voix, le remboursement d’une partie des frais engagés n’est pas effectué par l’Etat. Le Parti socialiste qui paie la note pourrait y laisser des plumes.

- Ce n’est pas du tout une question. Ma campagne est financée. Aucun souci de ce côté là.

Justement, quel est le budget? La prévision de dépenses? Les hypothèses de financement? Elle secoue la tête. Pas de réponse. Pas de chiffres. La loi encadre aujourd’hui, ce n’était pas le cas hier, les dépenses de campagne. Un contrôle est opéré à posteriori par les pouvoirs publics. Ceci n’oblige donc pas à la transparence au moment où se déroule l’élection.

Une dernière vérification doit être faite.

Christiane Taubira, l’ancienne ministre de la Justice, serait tapie dans l’ombre. Si elle s’avançait dans la lumière, assurent des socialistes qui croient aux miracles, les débats seraient tranchés, l’unité de la gauche assurée, et presque l’élection présidentielle gagnée. Anne Hidalgo fait la moue. On sent une réticence sur son visage. Son esprit lui propose une réponse qu’elle hésite à formuler. Un peu de patience, un peu d’insistance. On va y arriver:

- Je n’ai pas de nouvelles de Christiane Taubira. Elle se tait (sourire).

- Mais vous vous êtes parlées?

- Oui?

- Depuis votre annonce?

- Non, avant. C’était il ya deux semaines. Elle m’a demandé: « Est-ce que je peux être une solution? » Je lui ai répondu que non. Je lui ai dit que je ne retirerai pas ma candidature. Depuis, je n’ai pas de nouvelles.


La boucle est bouclée. Rien n’est tranché et pourtant, tout paraît terminé. L’union de la gauche n’aura pas lieu. Anne Hidalgo se lève, souriante, cordiale. Elle va retourner dans la fournaise de son Conseil, échauffé par le budget. Elle prendra peut-être un court congé le soir de Noël, guère plus. Paris l’accapare. La France la préoccupe. La politique est une ascèse qui repousse sans cesse le moment du plaisir.  


  

 



Commentaires

  1. La gauche est pitoyable, voir Hidalgo perpétuer sa démagogie, des œillères de 40 ans sur les yeux serait comique si ça n'était pas dramatique
    "La hausse du smic" alors que c'est les entreprises qui paient
    "La baisse de la retraite" alors que c'est les impôts qui financent
    C'est aussi coupable que mensonger
    Vous avez échoués face au réel, vos faux bon sentiments qui ne sont en vérité que l'empreinte de votre orgueil aura sûrement été l'une des pires bassesse de l'humanité
    Il n'y a pas moins charitable que celui qui ne montre charité publique
    Il n'y a plus immoral que celui qui est moraliste
    La gauche prétendant sauver les pauvres les a tués
    Car en vérité elle ne les aimait pas mais les méprisait, elle ne les aidait pas mais les utilisait, elle n'était amour mais haine, haine rouge sang

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