J’ai connu Claude Guéant
Claude Guéant est en prison. Depuis ce matin (13 décembre), il déjeune, dîne et dort à la Santé, la prison des prisons, la première que nous suggère l’esprit, la dernière dans l’enceinte de la capitale, l’une des plus anciennes puisque contemporaine du Second Empire, date d’inauguration: 1867, un bail.
J’ai connu Claude Guéant dans des fonctions qui ne permettaient pas de l’imaginer un jour dans ce lieu. En mai 2007, l’ancien directeur général de la politique nationale - DGPN dans le milieu, un acronyme qui en impose dans ce milieu -, ancien préfet, est devenu secrétaire général de l’Elysée.
Cette époque est celle de Nicolas Sarkozy, nouveau président de la République. D’emblée, Claude Guéant apparaît comme l’homme fort du nouveau système, plus fort en tout cas que le premier ministre Fillon, qualifié de « collaborateur » par le nouveau président, aussi mauvais canalisateur de ses propos que de son énergie.
Le souvenir que m’a laissé le secrétaire général de ces années là est celui d’un homme impressionnant, abordable pour les journalistes, et disert à leur contact. Mais j’ai toujours ressenti chez lui, et ceci s’imposait comme une telle évidence que je ne dois pas être le seul, une totale maîtrise du verbe, cette capacité rare à trouver immédiatement le mot juste, celui qui dira seulement ce qui peut être dit et laissera dans l’ombre ce qui doit y demeurer. Cette aptitude lui permettait de dominer les échanges, lors des émissions auxquelles il acceptait d’être invité, attitude totalement dérogatoire à la tradition du secrétariat général de l’Elysée, ou même lors de conversations privées.
J’ai compris plus tard, grâce à l’éclairage de nombreuses procédures judiciaires, que ce que je prenais pour sens de l’Etat était en réalité goût du secret. Ce que je croyais dévouement aux affaires publiques était aussi souci de ses intérêts personnels.
Parfois, on tombe d’un peu haut. Le temps apprend aux hommes la distance et la méfiance. Mais on ne peut vivre dans ces dispositions d’esprit perpétuelles. Il faut aussi croire dans le désintéressement de l’action des autres.
Investir ce sentiment sur Claude Guéant n’était donc pas juste. C’était comme miser sur le mauvais cheval du tiercé. Un surnom accompagna son parcours de secrétaire général de l’Elysée. Voici « le Cardinal », soufflait-on sur son passage. On pensait à Richelieu. C’était Dubois.
Tout le monde pouvait s’y tromper.
Oh ben merde alors ! Vous avez connu Claude Guéant ? Moi qui croyais être le seul !
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