Déboulonnons, déboulonnons la statue de Lamoricière

Je pensais que le prochain texte publié sur ce blog concernerait les colons d’Algérie, ces Européens venus tenter leur chance sur la terre colonisée. J’y travaille, mais l’actualité m’a ponctuellement détournée du chemin.

Le journal Ouest France du jeudi 31 mars publie un article intitulé:

« Vignoble de Nantes: faut-il raser la statue de Lamoricière ? »

Poser la question est déjà formidable. Et vous connaissez la réponse: oui, oui, oui, bien sûr.

Louis Juchaud de la Moricière, dont la statue se trouve dans le village de St Philbert de Grand Lieu, en Loire-Atlantique, est un assassin de guerre. J’ai décrit son action dans un papier de ce blog consacré à la conquête violente de l’Algérie par l’armée française. Lamoricière a tué, fait tuer, sans aucune pitié, sans aucun regrets, des dizaines de milliers de femmes, d’enfants, d’hommes non combattants.

A l’époque, son attitude et celle des militaires français engagés sur le terrain a heurté les consciences. Un débat a eu lieu au Parlement français en 1845 et le ministre de la Guerre a souvent été interpellé sur l’attitude violente de l’armée qui, à cette époque, effrayait l’Europe par sa sauvagerie. Ceci pour faire un sort au procès d’anachronisme que tente d’installer sans surprise le maire de St Philbert. Lui bien sûr veut garder la statue. L’espoir existe de le convaincre du contraire. 

Mais cette référence historique n’a, au fond, aucune importance. La question que nous devons nous poser c’est pourquoi aujourd’hui, en France, nous honorons un assassin de guerre? Pourquoi en 2022 nous tolérons cette image meurtrière du général, sabre au clair, pour pourfendre des Arabes? N’avons-nous aucun cœur, aucune sensibilité, pour penser que la cocarde nationale passe avant les êtres humains? En vrai, nous sommes parfois dégoûtants d’inhumanité. 

Bien sûr il faut parler de Lamoricière, conserver la place qui est la sienne dans les livres d’histoire. Il ne faut pas réécrire celle ci comme le marmonnent les benêts. Il faut la connaître. Et la connaissant, nous questionner: pourquoi mettre en valeur un assassin dans notre espace public ?

Effrayés par l’audace du déboulonnage, certains préconisent de clouer sur la statue une plaque explicative. Bonne idée. On met quoi sur la plaque? « Il a tué et fait tuer des Arabes par dizaines de milliers pour transformer l’Algérie en terre française »; « Théoricien des razzias militaires au cours des desquelles des milliers d’enfants sont morts ».

Si cette plaque existe, si elle dit la vérité du personnage, l’idée même de lui consacrer une statue nous paraitra insupportable.

Ajoutons que des écoles maternelles Lamoricière existent à Paris et à Nantes. Une honte. Une immense honte d’accueillir chaque matin des enfants dans une école de la République à qui on a donné un nom sanguinolent. Et en écrivant cela, j’ai l’impression d’être fidèle à la France, à ses valeurs qui en font un pays aimé et respecté dans le monde.

Enfin, certains se demandent pourquoi parler de cela aujourd’hui. N’y a t il pas plus grave et plus urgent? Eh bien, non. Nous dénonçons la violence de Vladimir Poutine et nous célébrons la violence des nôtres. Le double discours est toujours un problème. Il efface les repères et il brouille les consciences. Déboulonner Lamoricière maintenant, c’est lutter contre la barbarie russe d’aujourd’hui. 

A bas, à bas, la statue Lamoricière! Le plus vite sera le mieux.