Accepter un député gifleur serait une régression, une aberration, une erreur
Il y a l’aveu. Il change tout.
C’est Adrien Quatennens qui en est l’auteur: il a giflé sa femme. Que signifie une gifle, assénée dans le huis clos conjugal? D’abord, que la discussion, ou la dispute, nous ne le savons pas, est close. Le temps n’est plus aux mots, aux échanges d’arguments, aux énervements réciproques. L’homme, qui a la force, une force ancienne, millénaire, décide de mettre un terme à l’échange. Donc, il gifle. Son geste signifie: « Tais toi! »; « ça suffit! »; « c’est moi le patron! » Blandine Grosjean, ancienne journaliste de Libération, a utilisé cette formule, il y a quelques jours dans une tribune consacrée à l’affaire: « La gifle n’est pas un geste de bagarre, c’est un geste de propriétaire. »
Voilà cinquante ans, ou davantage, que la société française lutte contre la domination de la femme par l’homme, ou contre le sentiment de possession qu’expriment des hommes par rapport aux femmes. Cinquante ans ou plus qu’avec des hésitations et des timidités, des erreurs et des enthousiasmes, la société française essaie de faire accéder les femmes au triptyque républicain: « Liberté, égalité, fraternité ». Elles n’y sont pas encore. Des victoires ont été constatées dans ce combat. Des échecs aussi.
Il se trouve donc à l’Assemblée nationale aujourd’hui, de son propre aveu, un député gifleur. C’est un choc. Il dit avoir regretté son geste. Oui, mais il l’a commis. Il dit s’en être excusé. Oui, mais il a frappé. Le voir demain sur les bancs de l’Assemblée nationale, l’entendre peut-être un jour à la tribune, savoir qu’il va voter la loi, faire la loi, alors qu’il a frappé sa femme, reviendrait à nier tous les principes et toutes les actions visant à donner aux femmes un statut égalitaire à celui des hommes. Accepter un député gifleur serait une régression, une aberration, une erreur.
Donc, Adrien Quatennens doit démissionner. On voit bien que la proposition révulse même des gens qui ne sont pas de son parti. Pourquoi? Parce que l’homme apparait sympathique, qu’il semble talentueux, qu’il est jeune, qu’il représente l’avenir. Mais aussi parce que des hommes, des femmes, ne veulent pas enregistrer cette défaite de la virilité et ce recul de la pensée masculiniste. Après tout, disent-ils, il n’a frappé qu’une fois, il n’a pas recommencé, il n’a pas battu sa femme tout le temps.
Ces arguments peuvent produire sur certains esprits - le mien - un effet nauséabond. Justifier, aussi peu que ce soit, la violence conjugale c’est renvoyer les femmes à un statut d’infériorité, celui d’un être humain secondaire voué à faire des enfants, principalement, et accessoirement, le ménage et le repassage. Vieille France, France à vomir.
Donc, Adrien Quatennens doit rendre le mandat de député du Nord qu’il a conquis en juin dernier. Une élection partielle sera organisée dans les trois mois. S’il le souhaite, il pourra se représenter. Par une absurdité électorale, il pourrait même regagner. Il serait alors le premier député gifleur assumé élu au suffrage universel.
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